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19 juin 2010 6 19 /06 /juin /2010 09:10

Puisque tout est interdit

 

 

 

 

Puisque tout est interdit

on peut tout se permettre

 

 

Vladimir Vissotsky

 

 

 

Puisque tout est interdit

Comme du temps de Molière

Ou de la Cinquième République

Psychopathe et rigide la France est

Et a toujours été le pays de l’ordre noir

Du silence morbide de la bourgeoisie

 

Comme du temps de Monsieur de Molière d’Ariane Mnouchkine

Qui a émerveillé mon enfance

Pour sortir du monde ouvrier payé aux pièces ou à l’ouvrage

Pour une semaine de 40 heures

Du temps où tout était interdit

Mais certainement moins qu’aujourd’hui

Car aujourd’hui dans l’ordre avancé

Tous les partis syndicats et élus crachent le même mot

La même langue de leur bouche identique corrompue

La même partition inique de l’hypocrite médiocrité

Avec pour mots d’ordre

Guerre à la jeunesse à la vie à la beauté

Guerre à la liberté

Et ils disent en cœur de cul de poule offensée

 

Interdit de parler

Interdit de rire

Interdit de chanter

Interdit de jouir

Interdit de marcher sur les pelouses

Interdit de fumer

Interdit de manger bon et gras

Interdit de muer

Interdit de rouler vite

Interdit de conduire la nuit

Interdit de courir

Interdit de faire du patin à roulettes

Interdit de klaxonner

Interdit de s’embrasser

Interdit de courir après le train

Interdit de ramasser

Interdit de déposer

Interdit d’apprendre par cœur

Interdit de travailler

Interdit d’avoir peur

Interdit d’accueillir à bras ouverts

Interdit d’être amoureux

Interdit de jouer de la musique

Interdit d’écouter du jazz

Interdit de danser à un ou à plusieurs

Interdit de jouer du clairon

Interdit de posséder un coq

De manger du cochon

Interdit de jouer au ballon

Interdit d’accrocher son linge aux fenêtres

Interdit de faire du feu

Interdit de cuir des sardines

Interdit de ne pas dormir la nuit

Interdit de boire du vin des bières

Interdit d’entrer sans cravate

Interdit de se baigner

Interdit de draguer

Interdit de se faire l’amour

Interdit de penser

Interdit de dire la vérité

Interdit d’user de bons mots

Interdit de relever la tête

Interdit de s’opposer

Interdit de défiler

Interdit de n’être pas croyant

Interdit d’être athée

Interdit de se mettre au soleil

Interdit de sauter dans les flaques de pluie

Interdit de pisser dans les glycines

Interdit de ne pas regarder la télé débile

Des chaînes privées et des chaînons publics

Interdit d’entrer

Interdit de boire dans la rue

Interdit de plonger dans l’océan

Interdit de laisser les enfants

Interdit d’être enfin seul

Interdit de sonner après minuit

Interdit de crier à toute heure du jour et de la nuit

Interdit de lire de la poésie

Interdit de ronfler dans le métro puant

Interdit de prendre sa voiture

Interdit de se déplacer gratuitement sur l’autoroute

Interdit de ne pas dépenser son argent

Interdit d’aider son prochain

Interdit d’être solidaire

Interdit de s’amuser dans les bars

D’écouter du banjo du jazz manouche du rock barjot

Du clavecin électrique

Interdit de dénoncer les impostures

Interdit de rire des corrompus

Des possédants ou du directeur du FMI qui gagne 200 000 euros

Par mois m’a-t-on dit le montant est très drôle

Interdit de critiquer les joueurs de football

A plus de 700 000 euros par mois

Interdit de choisir sa vie

Interdit de désirer

De se cultiver

Interdit d’avoir des idées sous peine d’être suspect

Interdit de déranger

Interdit d’être

Interdit de conscription des fois que ça donnerait des idées

Interdit de vivre

Interdit de lire

Interdit d’aimer

Et interdit de rêver

 

Alors qu’eux

Tartuffes en nombre

Roulent en diesel alors qu’ils prônent le naturel

Font le contraire de leurs idéaux

Ne payent rien repas concerts logement

Avec voiture de maître

Alors qu’eux clament

Faites ce que je dis

Mais ne faites pas ce que je fais

En toute discrétion solitaire

Gang bang sauteries légères

Parties fines

Voyages gratuits putes et cocktails alcoolisés

Alors qu’eux dépensent les deniers de la République

Trahissent à tout bout de champ

Communiquent leur lâcheté ordinaire

Jusqu’à ce que les citoyens imposés électeurs clament haut et fort

 

Quand naîtront enfin les nouveaux Saint-Just et Robespierre

Quand le tranchant fera trembler la bourgeoisie de verre

Quand des jeunes reprendront le flambeau des espérances

Quand feront-ils enfin vibrer la France

Balaieront toutes les frontières

Casseront les règlements stupides ignorants

Prévalant le danger de la vie

Sur la conservation des égoïsmes bien particuliers

Quand saurons-nous enfin notre vérité

Quand arrêteront-ils de nous prendre pour des enfants

Naïfs et serviles

Quand ne serons-nous plus méprisés

Comme des esclaves ou des jouets parfois utiles

Quand tous ces Tartuffes baisseront-ils la garde

Quand effacerons-nous ces mirages de nos mémoires

 

Car les Tartuffes ennoblis veulent tout interdire

Le tabac la voiture

La java du samedi soir

Les pains au beurre

La viande rouge

Le bon et le mauvais cholestérol

Les gâteaux à la crème

Les petits câlins

Les gros n’en parlons pas

La cigarette des premières boums

Le petit blanc sec des after

Et le café à toute heure

Ils veulent interdire

Les rassemblements de jeunes

Les fêtes dans la rue

Sauf les pride communautaristes réservées

Où on peut baiser se promener à poil même devant les maternelles

Ils disent toujours que

Sans gêne y a pas de plaisir

Mais ils distribuent les leurres

Des pincées de sable lourd sur les yeux

Car ils mentent comme ils respirent

Car ils trahiront toujours après leur victoire électorale

Et leur nom ne pèse pas bien lourd

Car l’histoire ne retiendra rien d’eux

 

Puisque tout est interdit

La seule et unique liberté qui nous reste

Est la liberté des mots

Tendres durs immoraux manifestes

La seule liberté est celle d’écrire de lire

La liberté de défaire les lois iniques

Car il faut renverser le cours des choses

Détruire l’ordre mafieux pourri

Le déshonneur de la République

Car seule la démocratie directe est juste

Et le crier n’est que justice

 

Puisque aujourd’hui tout est interdit

Que c’en est pire que sous Leonid Brejnev

Ou Louis le quatorzième Louis Seize étant un petit joueur

Car la censure économique est des plus abjectes

Qui détruit pire que l’oppression policière

L’édifice de papier doit être soufflé

Et que soit définitivement nettoyée la posture de l’imposture

La posture des imposteurs

Pour que vibre enfin le souffle de la jeunesse

Celui de la liberté

 

Car nous sommes redevenus des enfants

Qu’il faut protéger à tout prix

Contre nous-mêmes d’abord

Dans cette servitude nouvelle des autocenseurs

1984 gît à nos pieds

En n’étant plus libre

Nous n’aurions plus peur

Piètres aliénés infantilisés

Piètres démocrates affaiblis

Dévorés par les monstres qui stagnent en son sein

 

C’était là mon épigramme assassine

Dont les mots n’ont de trace ni de sang sur les mains

C’était là une épigramme pour la seule révolte

Pour le souffle de la jeunesse et sa liberté

Une épigramme de vérité

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